Ryôkan
Ici et Maintenant
Dans le vent d'automne
Solitaire se dresse
Un silhouette
Le ciel clair d'automne
Des milliers de moineaux
Le bruit de leurs ailes
Allons, c'est fini!
Et moi aussi, je m'en vais -
Crépuscule d'automne
Ah ! Le rossignol -
Pourtant trop peu d'entre-nous
Y prêtent attention
A cet endroit même
Au pied du cerisier en fleur
Dormir toute une nuit
Un iris
Près de ma cabane
M'a enivré
Sur la branche encore
Aujourd'hui - Mais plus demain -
Les fleurs du prunier
Sur ma porte de branchages
Une perle de rosée
Au petit matin
Le vent de l'été
Apporte dans ma soupe
Des pivoines blanches
Le voleur parti
N'a oublié qu'une chose -
La lune à la fenêtre
Quel soulagement !
Oubliée la fin d'année -
Matin de printemps
Comme par ivresse
Avançant d'un pas léger -
Le vent du printemps
A la mi-journée
Apparaissent un peu partout
Les coquelicots
La surface de l'eau
Semble ornée comme la soie -
La pluie du printemps
Sortant de mes rêves
Le coassement lointain
Des grenouilles vertes
Tout autour de nous
Le monde n'esr plus que
Fleurs de cerisier
J'entends les cris
Qui annoncent leur départ -
Oies cendrées du soir
~ Ryôkan ~
« Que laisserai-je derrière moi ?
Les fleurs du printemps,
le coucou dans les collines,
et le feuilles de l’automne. »
Ryōkan 1758-1831, né à Izumozaki, petit village sur la côte ouest du Japon, le pays des neiges. Son nom de naissance est Eizō Yamamoto. Son père est chef du village et prêtre shinto. Enfant, il étudie les classiques japonais et chinois. Vers l'âge de 20 ans, Ryōkan se rend dans un temple zen Sôtô du voisinage et devient novice. Il y rencontre un maître de passage, Kokusen, et part avec lui pour le sud du pays. Pendant douze ans, il se forme à la pratique du zen. En 1790, Kokusen le nomme à la tête de ses disciples et lui confère le nom de Ryōkan Taigu (« esprit simple au grand cœur »).
À la mort du maître un an plus tard, Ryōkan abandonne ses fonctions et entame une longue période d'errance solitaire à travers le Japon. Il finit par s'installer, à l'âge de 40 ans, sur les pentes du mont Kugami, non loin de son village natal, et prend pour domicile une petite cabane au toit de chaume, Gogōan.
Moine et ermite, poète et calligraphe japonais, il sera toujours connu sous son seul prénom de moine Ryōkan et est l'une des grandes figures du bouddhisme zen de la fin de la période Edo. Au Japon, sa douceur et sa simplicité ont fait de lui un personnage légendaire.
Sa vie d'ermite est souvent la matière de ses poèmes. Un soir que sa cabane a été dépouillée de ses maigres biens, il compose ce qui deviendra son haïku le plus connu et dont il existe de nombreuses traductions en diverses langues ; en voici deux en français :
« Le voleur parti / n'a oublié qu'une chose – / la lune à la fenêtre. »
— (trad. Titus-Carmel, 1986)1
« le voleur / a tout pris sauf / la lune à la fenêtre »
— (trad. Cheng et Collet, 1994)2